1988 à Béthune: Le Président Mitterrand, le Tunnel et la Région

Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur l’importance du tunnel sous la Manche pour le développement de la région Nord-Pas-de-Calais, ainsi que sur l’unité nationale, à la mairie de Béthune, jeudi 28 janvier 1988.

Lorsque Pascal Quintin était inspecteur du travail à Béthune, le Président Mitterrand a effectué une visite officielle dans le Pas de Calais en janvier 1988 à la fin de son premier septennat.

A la surprise générale des politiques et de la foule qui s’attendaient à une intervention sur le Bassin Minier, l’essentiel de son discours a porté sur le Tunnel sous la Manche et les retombées attendues pour la Région Nord Pas de Calais.

Je me suis permis d’en extraire la partie du son discours relative au Tunnel sous la Manche, Bonne lecture

Philippe Vandebrouck,  votre président

« Monsieur le maire, – Mesdames, – Messieurs,

J’ai désiré venir à Béthune, car vous m’y aviez invité déjà depuis longtemps, et mon voyage régional ne me l’avait pas permis il y a quelques années. Cette fois-ci, c’était pour moi une étape nécessaire.

Depuis mon arrivée, ce matin, j’ai pu aller de Dunkerque à Sangatte, de Sangatte à Saint-Omer, de Saint-Omer à Béthune, j’irai tout à l’heure à Lens, il m’était difficile d’en faire davantage, sans risquer de passer trop vite – c’est déjà très rapide.

 Mais j’avais un peu la curiosité de revoir cette région, depuis les décisions prises il y a quelques années, autour du tunnel – de l’Eurotunnel – que j’avais souhaité et voulu dès le premier jour de mon arrivée à la Présidence de la République. Il se trouvait que j’avais à mes côtés un Premier ministre `Pierre Mauroy`, lui-même, à la fois par -nature et pas destination- très désireux de servir sa région, et après avoir rencontré quelques difficultés, quelques incompréhensions du côté britannique, du jour où Mme le Premier ministre du Royaume-Uni `Margaret Thatcher` a donné son accord, elle a mis, appliqué toutes ses qualités, qui sont grandes, à sa réussite. Et c’est comme cela que nous avons pu, encore à Lille, signer et célébrer cet acte décisif, dont vous saisissez bien l’importance.

C’est toute l’histoire du Nord et du Pas-de-Calais qui va s’en trouver changée.

Peut-être dira-t-on que j’exagère, et pourtant non. Vous avez connu de si rudes épreuves, vous les vivez encore. Les reconversions, que les modernisations rendaient nécessaires et qui ont été trop tardives, ont exposé le Nord et le Pas-de-Calais à vivre trop longtemps dans la crise, la crise n’étant que le temps qui sépare l’adaptation d’une société au développement scientifique et technique. Et l’évolution a été lourde et lente. Et si l’on pouvait préserver encore certains éléments qui avaient fait la grandeur et la force du Nord Pas-de-Calais au cours de la période précédente, mieux valait cependant regarder devant soi et ouvrir le nord de la France à de nouvelles espérances. Ces espérances, elles passent par les échanges, les communications.

Entre le moment dont je vous parlais, 1981 et aujourd’hui, … vous avez eu donc cette décision solennelle de caractère… Vous avez-vous même pris part à ces décisions, et vous êtes ici quelques-uns, à organiser son exécution, à la mettre en œuvre, à assurer sa réussite, qui exige des qualités extrêmes dans l’ordre de la prévision, de l’étude, de la recherche, puis de la méthode d’organisation et de la ténacité, pour vaincre les obstacles, cela exige beaucoup de qualité. Et ces qualités sont véritablement rassemblées autour d’un projet depuis le premier concepteur, jusqu’à l’ingénieur qui veille à son exécution, jusqu’au travailleur à quelque niveau qu’il se trouve qui a pour mission d’éviter les erreurs, de mettre la main : la main de l’homme si intelligente et si forte dès lors qu’elle est bien conduite – pour réaliser l’un des grands travaux du siècle.

En cette fin de siècle, vous aurez, messieurs les responsables de la société d’Eurotunnel, réalisé l’un des plus grands travaux du siècle tout entier, qui n’en manque pas, vous le savez bien, sur la surface de la planète. C’est un motif d’orgueil et d’orgueil légitime…

Pourquoi vous parlerai-je de ce tunnel ? Parce que désormais, à cause de lui et autour de lui, les routes, le chemin, l’émigration vont s’inverser. Au lieu de parvenir à une sorte de cul-de-sac que l’on ne peut franchir – ce qui n’est pas négligeable, et il faudra faire attention à préserver aussi cela – que par la voie maritime, désormais ce sont des centaines de milliers, des millions de personnes qui, venues de toute l’Europe, iront de l’est à l’ouest, du nord au sud, avec un nœud de communication ferroviaire, les aéroports, le tunnel, Londres si près désormais de Paris, et tout ce que cela entraînera de l’Allemagne, de la Hollande, de la Belgique, de l’Est aussi puisqu’un TGV après le Nord, un jour, traversera la France pour aller vers Strasbourg et au-delà vers les pays extérieurs qui nous apporteront les bienfaits de leur civilisation et de leur ressource. – Bref, c’est vraiment la carte de l’Europe, la géographie de l’Europe qui change et qui va changer sous nos yeux…

J’attends maintenant, des projets ont l’air de mûrir dans l’esprit des responsables , des communications par les voies d’eau, par les canaux, par les voies navigables pour éviter que les marchandises, les biens, les biens créés, que les personnes, les voyageurs, les touristes, les responsables de toutes sortes, que les idées – parce qu’en fait, après tout, les idées elles passent par où passent les hommes – ne contournent la France comme elles devraient le faire aujourd’hui si nous n’avions prévu précisément de ramener la France au centre de l’Europe. …

Je tenais à vous en remercier vous qui avez été parmi les artisans de cette renaissance et je veux que vous sachiez à quel point je suis passionné par cette -entreprise « le Transmanche ».

François Mitterrand »

Le lien vers le discours complet

 

 

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